nearly witches (wanda)

Elle aurait presque oublié à quel point New York est sale et bruyante.

Agatha n’aime pas la Grosse Pomme. Trop grande, trop de monde, elle n’a jamais compris l’attirance des gens pour des gratte-ciels toujours plus hauts et toujours plus moches, mais au moins il font une pizza correcte. Et puis l’appartement qu’elle a… réquisitionné… est relativement cozy. Elle ne peut pas trop se plaindre de sa localisation, ni de sa taille, même si elle aurait préféré une maison avec une cave où installer son matériel de magie.

Bon, elle a pu installer ses runes, mais tout de même.

Elle se rassure en se disant qu’elle ne sera pas là très longtemps, et qu’elle pourra vite reprendre ses pérégrinations autour du monde. Elle a envie de partir sur les routes poussiéreuses d’Australie, après ça. Mais avant, elle a une petite confrontation à avoir, avec une certaine Wanda Maximoff, qui attend déjà depuis trop longtemps.

Qu’elle lui vole le Darkhold ? Bon, passons. Agatha ne peut pas vraiment dire qu’elle a récupéré le livre de façon tout à fait légale — elle l’a volé, elle aussi, à une bande d’adolescents qui n’auraient de toute façon jamais pu l’exploiter entièrement. Elle peut pardonner ça, même si elle aurait préféré garder le livre en sa possession.

L’enfermer dans son propre esprit, par contre… C’est quelque chose qu’elle se voit mal pardonner. C’est pour ça qu’elle s’est installée à New York — simplement pour trouver la Sorcière Rouge, lui coller la correction qu’elle mérite pour cette saloperie, et repartir comme elle est venue, avec un sourire aux lèvres et le chaos au bout des doigts, pour aller trouver un peu de puissance ailleurs. Elle s’attendait à la trouver au bout de quelques mois, peut-être pendant l’été — la ville est gigantesque, et trouver une seule personne parmi des millions d’autres revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Autant dire que se retrouver face à la personne qu’elle cherchait au Winter Village était une surprise — ravissante, mais une surprise quand même.

Elle s’attendait à ce que Wanda la traque, pour tout dire. Elle aurait préféré, même, mais après quelques semaines sans que rien d’intéressant ne se passe — elle a fini par lui envoyer un message. Magique, évidemment, sous la forme d’un joli papillon de fumée violette, prêt à se transformer en une inscription dès qu’il trouverait sa cible.

Jolly Goat Coffee Bar in Hell’s Kitchen. Saturday, 11 in the morning. I’ll see you there, sister.

Elle n’a plus qu’à attendre, désormais. Elle ne peut pas trop se plaindre — leur mocha latte est excellent, probablement le meilleur qu’elle ait bu en ses quelques trois siècles d’existence, et leurs bagels sont tout aussi bons. Au pire, si Wanda refuse de venir, elle n’aura pas entièrement perdu son temps.

@wanda m. maximoff

i sense a change ; something is happening to me. only a few species ever undergo change, the others become extinct. men with almost certainly pure replaced by a new order of intelligence. stop looking for monsters under your bed, you are the monster. - @agatha harkness

Westview te paraissait si lointain, et si proche en même temps. Les événéments t'ont indéniablement marquée, tout comme ils ont pu marquer des dizaines et des dizaines d'esprits, sans même que tu ne le veuilles. Cette magie, tu ne la contrôlais pas d'un iota, à cette époque – une époque pourtant si peu lointaine. Mais tu avais parcouru pas mal de chemin, jusqu'à ton retour à New York City. Tu y songeais souvent, et tu n'avais qu'un seul objectif en tête : parvenir à retrouver tes enfants, les prunelles de tes yeux. C'était peut-être égoïste, parce-que tu as étudié le Darkhold et toutes formes de raretés que tu as pu trouver en Latvérie, et tu allais te servir de chacune de tes connaissances pour les ramener bien vivants sur cette planète, et ainsi taire ta peine. Une peine qui t'avait suivie tout le long des mois qui te séparent, aujourd'hui, du temps de Westview. Du temps où Vision était encore vivant – ou, en tout cas, à peu près.

Et il y a un détail, que tu n'as pas oublié.
Un détail d'une importance capitable ; et peut-être qu'emprisonner Agatha sous les traits d'Agnès te garantissait qu'elle ne ferait pas plus de mal qu'elle ne l'a déjà fait, mais aussi que ça aurait pu te permettre de la garder sous la main si jamais tu avais besoin de sa puissance magique un jour. C'était quelque chose d'un peu mesquin, mais tu étais prête à employer tous les moyens nécessaires pour retrouver tous ceux qui étaient chers à ton cœur. Et si tu ne t'étais pas attardée sur le contrôle que tu avais exercé sur l'esprit de la vieille sorcière, peut-être que tu aurais dû. Quelques semaines plus tôt, c'est bien son visage qui avait jailli de nulle part, arrogante et moqueuse, et tu n'étais pas dupe. Tu savais qu'elle allait t'en vouloir pour ce que tu lui avais fait. Tu avais donc perdu le contrôle d'Agatha, que tu gardais sous le coude, peut-être un peu trop naïve à l'idée que tu aurais pu la maîtriser entièrement, sans qu'il n'y ait d'accrochages. Mais c'était Agatha, et Agatha s'était bien battue contre toi, contre ta magie, contre tes pouvoirs. Ta victoire contre elle n'avait été qu'un coup de chance, une opportunité que tu avais saisie dans l'optique de la prendre à son propre jeu. Et ça avait marché, heureusement. Naïve.

Tu avais très vite quitté le Winter Village, parce-que tu avais redouté la confrontation. Mais en la sachant dans les parages, il était évident qu'elle reviendrait certainement à la charge, surtout maintenant qu'elle sait, elle aussi, que tu es de retour ici. C'était inévitable, et ce n'était qu'une question de temps, tu le savais. Tu avais pu éviter la circulation et la population durant plusieurs semaines, logée là où tu pouvais être logée tout en veillant à ce que l'on ne te reconnaisse pas, mais ce que tu craignais est arrivé. Adossée contre la chaise, le papillon vient virevolter sous ton nez. Tu as l'étrange impression dans tes tripes qui t'indique que cet étrange insecte n'est pas tout à fait normal, et lorsqu'il se transforme soudainement en une lueur violettée que tu reconnaîtrais entre mille pour te transmettre un message, tu comprends vite qu'elle t'a retrouvé. Tu inspires doucement, puis tu expires par la bouche ; tu sens l'anxiété monter au creux de ta colonne vertébrale et te tirailler l'estomac, mais tu sais que tu dois te rendre à l'endroit du rendez-vous, à l'heure précise qui t'était imposé. De toute manière, tu n'avais rien d'autre à faire.

Alors tu as attendu samedi.
L'heure fatidique approche, tu sens tes mains moites trembler au fur et à mesure que tu t'approches du Jolly Goat Coffee Bar. Tu en profites, aussi, pour découvrir Hell's Kitchen, un quartier de Manhattan que tu n'avais jamais eu l'occasion de visiter, mais ton esprit est bien trop perturbé par ce qu'il risque d'arriver. Tu redoutes la confrontation magique, surtout. En plein milieu d'innocents que tu veux épargner de ton petit train de vie et du sien, mais qui risquent, malgré eux, de se retrouver coincés entre elle et toi. Lorsque tu arrives devant la porte du café, tu hésites un instant. Tu l'observes, comme si elle allait te révéler tous les secrets de l'univers – et surtout, comment te sortir de cette impasse sans avoir à confronter Agatha – mais une porte est une porte, et finalement tu pinces tes lèvres, la main brandie en avant pour pousser l'entrée du bâtiment, et pénétrer à l'intérieur. Tu t'arrêtes derrière la petite queue de personnes qui commandent, et tes yeux, eux, sont concentrés sur la tâche de trouver Agatha, que tu repères bien vite à une table sur ta droite. Tu ne te presses pas de la rejoindre ; tu remarques qu'elle a de quoi boire sous le nez, et peut-être que ça va la calmer au moins le temps qu'elle finisse son gobelet. Donc tu en profites, lorsque c'est ton tour, pour te commander un bon café – quelque chose de fort, qui te permettra de supporter la sorcière, et lorsqu'on te remet ton propre gobelet, brûlant contre ta paume, tu aimerais faire semblant de ne pas l'avoir vue et faire demi-tour. Mais elle te fixe avec ses yeux de hareng, et tu sais que tu ne vas pas pouvoir lui échapper. Tu inspires, comme pour te donner du courage, et tu te diriges enfin vers elle. Tu te permets de t'asseoir face à elle, posant au passage ton gobelet en face du sien aussi, et tu la toises un long moment, les yeux dans les yeux. Les secondes passent et tu refuses de décrocher un mot, tu attends qu'elle fasse le premier pas. La tension entre vous est palpable.

Difficile de rater Wanda, même dans la foule qui se presse pour un café et un truc à manger.

Elle exsude une puissance qui picote sa peau avant même qu'elle n'apparaisse dans son champ de vision, et Agatha ne peut s'empêcher d'être impressionnée. Un véritable testament aux progrès qu'elle a pu faire durant ces mois qu'elle a passés enfermée à Westview, sous les traits d'une personnalité qu'elle avait soigneusement perfectionnée pour être le plus inoffensive possible. Oh, elle aura sa revanche personnelle pour ça, mais ça peut attendre. La vengeance est un plat qui se mange froid, après tout, et elle a d'autres questions plus pressantes que ça, avant tout. Agatha se contente de patienter, pour le moment, un petit sourire aux lèvres, confortablement adossée contre sa chaise.

Wanda exsude le pouvoir, mais elle exsude aussi l'inconfort. La ligne tendue de ses épaules et l'expression bornée sur son visage sont bien assez pour lui dire qu'elle préférerait être n'importe où, du moment que ce n'est pas face à elle, et la sorcière en rirait volontiers — le fera sûrement, à un moment dans la conversation. Mais le silence entre elles s'étire, alors même que Wanda s'installe face à elle. Les secondes passent, s'étirent, et Wanda se terre dans un silence buté qui finit par arracher un soupir à Agatha. « Really, darling, you should relax a little. Shake those shoulders, y'know ? Can't be good to be that tense at your age. » Elle lui parle, comme si rien ne s'était passé entre elles, comme si elles étaient de retour à Westview et qu'elle était encore sous sa persona d'Agnes. Elle n'a aucun doute que Wanda n'y croit pas une seule seconde, mais peu lui importe. En dépit de tout, Agatha aime bien cette gamine perdue, détentrice d'un pouvoir trop grand pour elle.

Oh, ça ne l'empêchera pas de lui faire payer ces derniers mois, mais elle apprécie tellement peu de gens que c'est toujours bon à pointer du doigt.

Elle l'observe un moment par-dessus le couvercle de son gobelet, prend une longue gorgée de son latte. « Nice to see you're alright, dear. I do have to congratulate you on your very clever use of runes, last time. Couldn't be more proud ! » Et non, ce n'est pas de l'ironie. C'était véritablement intelligent, de réutiliser ses propres armes contre elle — elle n'aurait pas pu faire mieux, et Wanda a fait preuve d'un magnifique esprit stratège. Agatha est à la fois fière et... légèrement frustrée, il faut le dire, mais elle concède la victoire. « Though really, just locking me up in Westview ? Such a soft heart. Had I been in your shoes, I would've killed me. Less problems down the road that way, don't you think ? » Oh, elle n'ira pas cracher sur sa survie. C'est toujours ce qui l'a intéressée, après tout — le reste n'est que secondaire, du moment qu'elle reste en vie.

Le sourire qui s'affichait sur ses lèvres jusque là finit par disparaître, toutefois, et sa tête se penche sur un côté, juste un peu. « I'd like for that book back, though, if you wouldn't mind. I hope you made good use of it, but I do still need it. » Les négociations commencent, et elle n'a aucun doute qu'elles seront compliquées.

@wanda m. maximoff