is it just me? (r)

TW: addictions, dépression, langage


Les portes de l’ascenseur privé s’ouvrirent sur le penthouse et Junior ne put retenir un soupire exaspéré lorsqu’il constata que les lumières de la grande pièce à vivre étaient allumées - un oubli du personnel de maison à n’en pas douter. A croire que les médias et autres réseaux sociaux ne parlaient pas suffisamment du problème de réchauffement climatique et de ses conséquences. Quoique la majorité de la population de la planète avait peut-être complètement oublié qu’il s’agissait là d’une réalité étant donné ce qu’ils avaient vécu, collectivement, au cours des six dernières années. Après tout, si l’on pouvait disparaître puis réapparaître en un claquement de doigt, que des millions d’autres planètes habitables peuplaient l’Univers, à quoi bon s’inquiéter de quelque chose d’aussi trivial que la fonte des glaces? Grand Dieu, pensa Junior en passant une main sur son visage fatigué. Il devait être plus fatigué - ou drogué - qu’il ne le pensait s’il en était à débattre avec lui-même de l’importance de la cause écologique et environnementale. Mais n’était-ce pas là la raison de sa présence au sein du penthouse?

Il avait vécu dans ce dernier pendant plusieurs années avant de rencontrer son mari, avec lequel il avait acheté une townhouse dans l’Upper East Side, une demeure plus à même d’accueillir une famille. Néanmoins, lorsqu’August avait disparu, vivre dans cette dernière était devenu pratiquement insoutenable pour Junior et il avait partiellement ré-emménagé au sein de son ancien appartement. Et s’il avait retrouvé la townhouse au retour de son époux, il lui arrivait encore, à l’image de cette nuit, de venir se réfugier au sein du penthouse. Principalement lorsque ses addictions devenaient trop difficiles à dissimuler. Il prétendait avoir une réunion avec des investisseurs vivant de l’autre côté du globe et plutôt que de partager le lit de sa moitié, il venait s’échouer dans ce lieu.

Junior rejoignit le chariot à alcool le plus proche sans s’inquiéter de son entourage, débouchant une bouteille de whisky pour se servir un verre plus que généreux du liquide ambré. Il hésita une fraction de seconde à seulement quelques millimètres de ses lèvres, une petite voix - à peine audible - dans les méandres de son esprit soulevant le fait qu’il ne devrait pas ingurgiter davantage d’alcool, qu’il dépassait les limites qu’il s’était fixé, pour mieux ignorer l’avertissement un instant plus tard.

Junior réprima un sursaut lorsqu’une voix inconnue se fit entendre à seulement quelques mètres de lui. Par ailleurs, sa surprise était infime en comparaison avec son irritation à l’idée que l’un de ses employés soit présent au sain du penthouse à cette heure, alors qu’il avait donné des instructions très claires à son chef du personnel. Il ne souhaitait croiser personne. Aussi, lorsqu’il tourna la tête pour apercevoir l'opportun, c’était avec l’intention de le rabrouer puis de lui donner congé… de façon permanente. Néanmoins, il ne s’attendait pas à reconnaître ce dernier et était encore suffisamment vif d’esprit pour savoir que Loki Laufeyson - l’alien qui avait tenté d’envahir la Terre une dizaine d’années auparavant et dont le visage avait figuré sur toutes les chaînes télés et réseaux sociaux du Monde pendant de longs mois après l’événement - ne faisait définitivement pas partie de son personnel de maison.

“Formidable,” débuta Junior, avant de soupirer lourdement. “Des hallucinations. Exactement ce dont cette journée avait besoin pour être purement et simplement merdique.”

En réalité, il n’était pas certain que l’alien soit une hallucination. Il n’en avait pas expérimenté depuis des mois et celles qu’il avait pu avoir par le passé n’étaient très certainement pas peuplées d’étrangers. Non, ordinairement, il voyait sa sœur. Il partageait ses malheurs avec Rebel et/ou elle le maudissait, le rendait responsable de son destin tragique. Ou, il s’agissait de son époux, tantôt cruel et assassin, tantôt séduisant et mélancolique. Ses hallucinations étaient composées de fantômes, oui. Mais pas d’aliens.

“Je suppose que tu n’es pas exactement horrible à regarder pour un alien,” ajouta-t-il après un instant, exagérant légèrement le traînement de sa voix, se faisant passer pour plus désorienté qu’il ne l’était réellement - non qu’il ne soit bien loin de l’état qu’il feignait. “Vous savez faire des Old Fashioned sur votre planète?”

Junior observa la réaction de son interlocuteur avec plus d’attention qu’il ne le laissait paraître. Il n’était pas gelé au point de croire qu’il avait la moindre chance contre Loki, si ce dernier tentait quoi que ce soit. Par ailleurs, il était devenu un excellent comédien au cours des dernières années et décida de gagner du temps, de faire parler l’autre… mâle?, pendant qu’il réfléchissait à ce qu’il désirait faire. Il y avait non seulement un bouton ‘panique’ dans la cuisine à quelques mètres d’eux mais, également une arme, dissimulée sous le comptoir. S’il le voulait, il pourrait contacter la police, sachant que le FBI surveillait également ses demeures à cause de leur petit souci avec l’un des leurs employés, et qu’August préviendrait certainement le SHIELD ou peu importe pour qui il travaillait depuis qu’il était revenu.

“Premièrement, tu - vous - peu importe - n’es pas si grand que ça pour un 'géant' et autre planète, autre espèce, on peut demander à Google mais, je suis quasi certain que le terme alien convient à la situation,” répondit-il, pointant un doigt dans la direction de son vis-à-vis comme pour ponctuer ses paroles, avant de baisser la main. “Après si tu - vous - avez un nom?”

Il ne savait pas comment s’adresser à l’envahisseur, dont il doutait de plus en plus qu’il soit une hallucination. Après tout, pourquoi Junior hallucinerait-il Loki? Et puis, il n’avait pas la moindre idée que ce dernier était un jotunn et non un asgardien encore quelques secondes plus tôt.

“Deuxièmement - quatrièmement? - aoutch,” répondit-il à l’écoute de la répartie de Loki concernant son état d’être humain. Par ailleurs, il accepta le verre tendu et ne prit pas la peine de se demander s’il contenait autre chose que ce qui composait ordinairement un Old Fashioned avant d’avaler une première gorgée. Il n’en avait pas grand chose à faire dans son état. “Sérieusement, qu’est-ce qu’il a de mal à être simplement… humain? A ne pas vouloir se mêler de conflits… intergalactiques? De vouloir vivre une vie normale? Pourquoi tout le Monde se croit destiné à sauver l’Univers ou je ne sais quelle connerie du genre?”