Cette affaire ne datait pas d’hier. Voilà un peu plus de deux ans Ekene avait trouvé un peu de temps pour aider une de ses amies prise à la gorge par des affaires de vols d’œuvres à répétition. Dola travaillait dans les collections africaines qui n’avaient pas été touchées mais ces disparitions l’avaient inquiété autant que ses collègues.
A l’époque, Ekene était constamment sur le fil, elle n’avait pu dédier qu’un jour ou deux à Dola à chaque infraction pour vérifier les systèmes de sécurité et avait repéré dans la foulée une façon de les saboter toujours identique. Ekene connaissait certaines techniques « signatures » de contrebandiers mais pas ceux qui sévissaient dans le domaine de l’art. Elle n’avait pu être d’une grande utilité.
Aujourd’hui, son travail au GRC ne lui prenait certainement pas le même temps et quand Dola avait de nouveau fait appel à elle, Ekene l’avait pris comme un tour du destin : elle pouvait enfin se pencher sérieusement sur cette affaire. Si ça n’avait pas été pour aider une concitoyenne, Ekene aurait probablement refusé de donner un coup de main tout net, mais à présent en plus de rendre service à Dola elle pouvait mettre les points sur les i avec le petit plaisantin qu’elle n’avait pas pu épingler par la peau du cou la dernière fois.
Ses tresses ramenées en arrière par un lien en satin, ses lunettes sur le nez, Ekene avait passé en revue des heures d’enregistrements de surveillance et avait isolé quelques têtes qui semblaient revenir régulièrement aux mêmes endroits. A présent posée sur une chaise inconfortable Ekene observait les clients arpenter en direct les allées du musée. Plusieurs types sont à ses côtés, collés directement devant les écrans. Ekene sent que l’attention d’un d’eux vacille, tandis qu’un autre n’arrête pas de lui jeter des regards nerveux.
Le silence était seulement ponctué du bruit des baguettes d’Ekene quand elle les plonge dans sa boîte de nouilles minutes, et du raclement inconfortable d’un des gardes.
Ils se demandaient tous ce qu’elle fabriquait ici avec son badge épinglé à la poitrine « Faith Nkosi – Advisor ». Leur direction n’avait pas fourni beaucoup d’explications sur le rôle de la wakandienne qui arrivait pourtant tous les matins dans la salle à la même heure qu’eux.
Alors qu’Ekene déglutissait la fin de son repas, son attention glissa vers une des caméras à sa gauche.
- Attendez… Lui, là.
Elle se saisit de son téléphone, regarda les captures d’écran qu’elle avait prise des enregistrements. L’homme qui s’était arrêté pour discuter avec un vigile était déjà venu plusieurs fois ces derniers temps. Ekene se redressa :
- Suivez-le. Gardez-moi au courant.
Elle lança à la ronde sans attendre de réponse. Elle jeta le carton et les baguettes à la sortie du poste de surveillance et retira son badge qu’elle glissa dans sa poche avant de dévaler les marches. Quand elle demanda dans son oreillette « Il a bougé ? » elle entendit une voix hésitante lui répondre « Non ».
Après avoir déboulé d’une coursive, Ekene se mêla aux visiteurs en calant son pas au groupe devant elle, comme si elle flânait. Comme sa cible était en mouvement, Ekene suivit les indications qui lui parvenaient pour retrouver l’homme. Il venait de s’arrêter devant un tableau aux proportions gigantesques alors la wakandienne s’y intéressa, l’air de rien.
Comment l’approcher ? La bonne méthode était encore de sourire et…
- Vous aimez ?
Demanda Ekene à son suspect en feignant l’ingénuité. Si elle devait parier, non, il n’avait pas l’air plus passionné que ça par ce qu’il avait sous le nez.